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zelinelebeau

La Drogue du Bonheur

Juin 2015


Il faut se méfier des groupes auxquels vous appartenez sur la FacedeBouck.... parfois certaines personnes vous prennent en otage ou vous mettent au défi !!


Le texte que je vous livre est un défi que m'a lancé une certaine Sandrine D , sur le groupe "Addict M/M,..." . A partir d'une photo, j'avais une semaine pour écrire une petite histoire de 2000 mots.


Je ne la remercierai jamais assez !! C'est la première fois depuis très longtemps que j'ai été aussi inspirée pour écrire le soir. Au final, c'est une petite nouvelle de 9 pages (environ 3500 mots) qui a vu le jour.


Merci à Sylvie B, pour la relecture 


Voici donc une tranche de vie d'Erwan et Nico...


Bonne lecture !!!




Dans sa minuscule chambre, qui tenait plus de la cellule carcérale qu’autre chose, un jeune homme tournait en rond, à l’intérieur du peu d’espace libre dont il disposait. Il ne réfléchissait pas. Il patientait, attendant l’heure de l’inévitable.

Erwan allait encore craquer. La dernière. Pour céder à la tentation, il devait réussir son projet d’évasion parce qu’il avait une ultime chose à faire avant… de partir.


Il avait tenu le plus longtemps possible, gardant l’espoir qu’ils le laisseraient bientôt sortir. Carlo, l’aide-soignant de nuit – le garde-chiourme du pavillon Bleu en réalité – lui avait enlevé toute raison d’espérer, hier soir, après une autre de leurs altercations. Ce gros porc avait encore tenté de glisser ses sales pattes sur lui. Cette énième agression l’avait rendu malade, à tel point qu’il avait vomi sur l’autre salaud et depuis, le jeune homme était encore plus déterminé à réussir…


Le prisonnier rongeait son frein. Cette nuit sonnerait la fin de la comédie qu’il jouait à tout le monde ainsi qu’à lui-même. Son visage concentré reflétait un semblant de courage qui ne s’y trouvait pas encore hier. Et c’était surement ce qui le tenait éveillé si tard dans la nuit. Erwan se sentait enfin prêt.

Son psychothérapeute pouvait bien lui expliquer qu’il se trouvait là pour son propre bien-être, lui savait très bien pourquoi il avait accepté de se laisser enfermer dans ce centre spécialisé dans les TCA[1]. Parce que… Il n’avait aucun problème avec la nourriture. C’était juste que son corps était en phase avec son esprit. Erwan avait perdu l’appétit le jour où il avait réalisé qu’il était éperdument amoureux de son voisin et ami d’enfance Nico. Il ne détestait pas son corps mince et trop gracile pour un garçon. Il n’avait juste plus assez faim pour que le peu de nourriture qu’il ingère soit suffisant pour étoffer sa carrure. Tous les aliments avaient perdu leur saveur. Tout était devenu fade et insipide. Alors à quoi bon manger dans ces conditions ?


N’ayant jamais été attiré par qui que ce soit avant cette découverte, son orientation sexuelle était une surprise pour lui. Son psy lui soutenait qu’il était toujours en plein déni et que l’origine de son mal-être pouvait se trouver cacher quelque part dans son environnement familial très peu… accueillant. Un doux euphémisme pour évoquer ses géniteurs ! Si Erwan avait eu peur un jour, ce n’était sûrement pas pour lui-même mais plutôt pour… Nico.


Admettre son homosexualité et faire son coming-out l’aurait obligé à affronter le regard des autres sur celui qu’il admirait et aimait depuis plusieurs mois. Nico, le sportif dans l’âme, le dragueur sélectif et l’ami constant lui aurait-il toujours accordé la même attention ? Son regard bienveillant, plus proche d’un frangin que d’un ami, se serait-il terni ? Cela il n’aurait pu le supporter. Perdre son amitié, son estime et sa confiance pour découvrir dans ces grands yeux noir du dégoût, de la honte voire pire, du rejet… hors de question.


Son psy lui confirmerait que sa lâcheté pitoyable ne ferait jamais de lui un compagnon recherché mais Erwan s’en foutait. Le médecin parlait thérapie, dialogue et prise de conscience, cherchant la cause d’une anorexie mentale. Personne ne voulait comprendre qu’il n’était pas malade. Lui ne pensait qu’à protéger son amour à sens unique. Jusqu’à maintenant, le jeune patient était parvenu à mentir à toute l’équipe médicale. Il avait précieusement et jalousement conservé pour lui ses secrets. Son amour pour Nico resterait pur.

Il n’avait pas compris que les regrets étaient souvent de bien pires fardeaux que les remords.


Il s’arrêta de marcher et ferma les yeux. Le visage souriant de son ami apparut aussitôt derrière ses paupières, aussi vivace que lors de leur dernière rencontre, celle qui avait soldée leur longue amitié. Erwan pouvait encore visualiser l’instant où la colère avait remplacé l’incompréhension chez son camarade. Englué dans ses doutes, il avait suivi l’adage selon lequel la meilleure défense restait l’attaque. C’était la seule manière qu’il avait trouvée pour régler son problème. Utilisant un prétexte stupide, il avait sonné le glas d’une belle amitié qui n’aurait jamais pu évoluer selon son point de vue.


Erwan se connaissait mieux que tous ces foutus spécialistes le pensaient. Il avait eu peur. Oui, il était mort de trouille à l’idée de perdre la seule personne qui comptait réellement pour lui. Alors, il avait agi en conséquence. Il était parti le premier. Une coupure nette qui préservait son égo mais surtout gardait intact la palanquée de souvenirs qu’il partageait avec Nico.


La seule chose qu’il n’avait pas prévue c’était la réaction de ses parents qui avaient eu leur toute première (et sûrement dernière) intervention d’autorité parentale sur lui. Ils avaient ordonné son placement en centre de soins pour enrayer la maigreur inquiétante qui séchait son corps et arrêter les tentatives de suicide qui avaient suivi cette période de désolation sentimentale. Un côté positif ? Il n’avait plus à se cacher constamment pour éviter de croiser une certaine personne. Qui d’ailleurs n’avait jamais cherché à le voir ! Cela le confortait dans sa décision. Si Nico avait réellement éprouvé quelque chose de fort à l’encontre de son voisin et ami d’enfance, il ne l’aurait jamais laissé s’éloigner sans chercher à le retenir, ne serait-ce qu’une seule petite – toute petite – visite ou bien un seul sms, même de deux trois mots simplement. Un signe qui lui aurait témoigné que Nico n’était pas indifférent à son sort.


Erwan aurait voulu ne plus penser à la douleur qui étreignait son cœur depuis six mois qu’il végétait ici. Pourtant, il se trompait. Si au début survivre seul dans cette maison, antichambre de l’enfer, lui avait paru une aubaine, maintenant il reconnaissait son erreur. Vivre uniquement sur des souvenirs était trop dur. Il était en manque sévère de Nico, obsédé par sa silhouette sculptée, encore plus terriblement malheureux que jamais. Ce qu’il prenait pour une cure de désintoxication ne fonctionnait pas. À plusieurs reprises, il avait couru derrière d’illustres inconnus, croyant avoir enfin la chance de recevoir une visite surprise de Nico. En vain.


C’est pourquoi, il tenait absolument à faire une dernière chose avant d’en finir. En réalité, son cœur avait pris les commandes et malgré ses plaies béantes, il hurlait son désespoir. Cet organe d’à peine dix-sept ans, malmené par la vie, réclamait une ultime douceur. Alors il se donnait les moyens d’y accéder.


Un coup œil sur sa table de chevet. Vingt-trois heures trente. Il était l’heure pour Erwan de se faire la belle.


**********


Qu’est-ce qui avait attiré son attention à l’extérieur ? Nicolas n’aurait pas su le dire. Il était sujet aux insomnies depuis quelques mois. En réalité, six longs mois. Le jeune homme ne croyait pas aux coïncidences et savait quand il fallait additionner deux plus deux.


Il était perdu sans la présence d’Erwan. Étrangement et indubitablement, la voilà la raison véritable de son trouble du sommeil.

Il ne comprenait toujours pas comment il avait pu laisser s’installer cette distance entre eux et encore moins pourquoi il n’avait coupé court, immédiatement, à cette satanée querelle. Tout cela pour une gamine qu’il n’avait quasiment pas approchée et dont il savait de manière certaine que jamais, au grand jamais, Erwan n’aurait pu avoir des vues sur elle ! La douceur d’Erwan ne collait pas avec cette dispute de vaudeville. Et puis cette histoire d’anorexie, ces rumeurs de suicide raté, cela ne tenait pas la route pour qui le connaissait réellement. Ce qui n’était pas le cas des propres parents de son ami malheureusement. En vérité, il se trouvait probablement être le seul à pouvoir le soutenir… et il n’avait pas bougé un doigt pour l’aider. Quel piètre ami faisait-il ?


Secouant la tête pour chasser ses mauvais souvenirs, l’insomniaque s’était inconsciemment dirigé vers sa fenêtre. Intrigué par une silhouette immobile sur le trottoir d’en face, il entrouvrit de deux doigts l’espace entre deux lames de son store pour s’en reculer aussitôt, choqué par ce qu’il venait de comprendre. Le jeune homme qui occupait ses pensées précédemment, se tenait sous le lampadaire qui éclairait faiblement sa chambre.


Pourtant, il savait pour avoir surpris une conversation entre ses parents et ceux d’Erwan, que ce dernier était toujours coincé dans son centre de soins. Il présumait donc que le jeune homme en bas de chez lui, avait fugué.


Un sentiment de joie le traversa à l’idée qu’Erwan n’eût que quelques pas à faire pour le rejoindre. Aussi, lorsqu’il aperçut la fine silhouette rebroussée chemin, son sang ne fit qu’un tour. Il s’éloigna rapidement de la fenêtre, attrapa son jean et son tee-shirt qui traînaient par terre et fila silencieusement rattraper le fugueur.

Sur la pelouse, il ralentit son allure, hésitant sur la manière de l’aborder. L’autre ne l’avait pas encore remarqué et poursuivait son chemin. Bientôt, il tournerait au coin de la prochaine maison, et Nico perdrait alors l’occasion de lui demander des explications sur tout ce merdier.


–– Erwan ? ERWAN ! l’interpella-t-il assez fort pour être entendu de l’autre côté de la rue, mais sans alerter non plus tout le quartier.


Stoppée nette, la silhouette ne bougea plus, lui tournant toujours le dos.

–– Allez Erwan, je sais que c’est toi. Reviens, il faut qu’on parle ! le supplia-t-il presque.


Pourquoi la peur tétanisait-elle son corps ? Entre eux, s’étendait toujours ce fossé rempli d’omissions volontaires et d’incompréhension. C’était tellement stupide après avoir été aussi proche que des frangins. Tout en se rapprochant doucement, Nicolas cherchait quelque chose de neutre à formuler lorsqu’il remarqua le léger mouvement des épaules du fuyard. Avec tristesse, il comprit que son ami pleurait.


–– Erwan… Pourquoi ? souffla-t-il simplement.


La brutalité, avec laquelle celui-ci se retourna, le prit par surprise et le fit reculer de quelques pas. Le visage humide levé vers lui se retrouva alors éclairé par la lumière pâle d’un lampadaire, accentuant la colère qu’il exprimait.


–– Qu’est-ce que tu crois ? Que je vais être touché par ta… compassion, cracha Erwan. Tu veux me faire avaler que t’en as quelque chose à foutre de moi ?


Les mots sortaient à la vitesse de balles d’une mitraillette. Emporté par sa rage, ce dernier accentuait chacune des phrases par un coup de doigt poussé violemment sur la poitrine de Nicolas, estomaqué par cette virulence inhabituelle. Ce n’était pas le genre d’Erwan. Il n’eut pas besoin d’être médium pour comprendre que son ami avait souffert de son indifférence à son égard durant son internement.


–– Ecoute…, commença-t-il avant d’être interrompu.


–– Non, c’est toi qui vas la fermer. Je n’ai pas besoin de toi ni de ta pitié. Tu peux te la carrer où je pense. Et puis d’abord, moi j’en ai plus rien à foutre de toi, depuis longtemps…


Nicolas encaissa les paroles. Plus clairvoyant qu’il ne l’avait jamais été, il comprenait ce que son ancien voisin essayait de refaire. Le sortir de sa vie, définitivement ! Seulement cette fois, il avait compris et il ne se laisserait plus manipuler. Surtout sans s’exprimer à son tour.


Quelques pénibles secondes passèrent. Les deux garçons se fixèrent longuement dans le silence de la nuit. Regard vert contre regard noir. Nicolas ne voulait pas montrer qu’il était choqué par la vision et l’apparence physique d’Erwan. Ce dernier paraissait si fragile. Son sweat léger pendouillait sur lui. Il n’avait plus que la peau sur les os. Un fétu de paille malmené par la vie. Avait-il été une des causes de cette transformation ? Nicolas pria Dieu, n’importe lequel, pour que cela ne soit pas vrai car le résultat était catastrophique.


Il parla le premier, faisant comme si Erwan ne lui avait rien balancé à la figure.


–– C’est étrange, tu sais ? Je pensais à toi, je suis allé à ma fenêtre et puis je t’ai aperçu, en bas. Comme une réponse à mes prières.

–– Parce que tu pries toi, maintenant !, se moqua Erwan. On aura tout vu.

Le dialogue s’annonçait compliqué toutefois, Nicolas ne comptait pas renoncer aussi vite qu’il y avait six mois.

–– Arrête ça, Erwan. C’est pas toi qui parles. Non, laisse-moi terminer. Maintenant, c’est à mon tour de parler !, le coupa-t-il avant que l’adolescent malingre n’exprime son désaccord. Et puis regarde-moi s’il te plaît, je déteste parler à des cheveux.

Il attendit que le jeune homme lui obéisse avant de continuer. Sentant que la détermination de l’autre était en train de faiblir plus les minutes passaient, il décida de frapper fort.

–– Je sais pourquoi tu t’es disputé avec moi avant d’être…


Erwan le narguait, menton en l’air, attendant qu’il sorte le mot qu’il semblait avoir des difficultés à prononcer. Il ne se laissa pas démonter.


–– … avant d’être interné.


Nicolas serra les poings devant la douleur qui traversa le magnifique regard vert de son ami. Si seulement il pouvait… Jouant le tout pour le tout, il lâcha ce qu’il avait compris récemment.


–– Tu m’as rejeté pour mieux me protéger. Me protéger de toi !, avoua-t-il. Espèce de sombre crétin. Comment peux-tu croire un seul instant que tu puisses me blesser ? Putain de merde Erwan ! En réalité, c’est exactement ce que tu as fait !


Devant le regard interloqué de son vis-à-vis, il poursuivit sa tirade.


–– Cette fuite m’a blessé. Ton accusation m’a insulté. Ton absence m’a torturé. Mais te revoir ce soir met du baume sur ces maux, confessa-t-il à sourdement, sans le quitter du regard. Je n’ai pas non plus été honnête envers toi. J’avais compris que tu… tu étais gay bien avant toi-même. Et que tu en pinçais pour moi. Seulement… On n’a jamais osé s’en parler. Et voilà le résultat. Regarde-toi bon sang Erwan ! Qu’est-ce que tu t’es fait ? Je n’en vaux pas la peine, crois-moi.

–– Si…


Ce fut murmuré si bas que Nicolas faillit ne pas l’entendre.


–– Oh, tu m’as m’a tellement manqué Erwan, souffla-t-il tendrement en attrapant ce dernier dans ses bras par l’étreindre fortement. Si tu savais à quel point… rajouta-t-il dans son oreille.


La tête d’Erwan se nichait si naturellement sur son épaule. Il caressa doucement les cheveux du jeune homme qui s’agrippait à lui. Ce moment de tendresse fut la goutte d’eau qui fit déborder le trop-plein émotionnel de son compagnon. Les digues se rompirent et les sanglots qui le secouèrent, furent déchirants pour son cœur qui saignait également.


–– J’ai compris, j’ai accepté et… moi aussi j’ai besoin de toi, mon ange. Il fallait juste que j’ouvre les yeux. Ton internement et ton absence ont été une plaie impossible à soigner. J’ai mis tout ce temps pour réfléchir à toi. À moi. À nous deux.


Les pleurs d’Erwan se tarirent progressivement toutefois, son corps ne cessait de trembler. De peur ? De froid ? Le contrecoup émotionnel ? Nicolas le tenait encore tout contre lui, essayant de lui communiquer sa chaleur et son… ? Et son amour ! Oh oui, il venait enfin de réaliser ce qui le taraudait depuis plusieurs semaines. Un sourire éclatant aux lèvres, il poursuivit patiemment ses mouvements apaisants de massage. Il se découvrait de la patience à revendre soudainement.


**********


Erwan ne voulait plus bouger, comblé et heureux. Il lui semblait avoir finalement trouvé sa place. Trop longtemps privé de Nico. Son amour secret et impossible. Plus si impossible que cela, si ses oreilles ne l’avaient pas trompé. Il ne le croyait pas complètement sincère. C’était, aussi et surtout, pour cela qu’il refusait de bouger. Pour rester dans cette douce illusion, bercé par son Nico, avant que la dure réalité ne le rattrape.


Le malheureux Erwan avait tout fait pour que son entourage ignore les sentiments qu’il avait développés progressivement pour son voisin. Devenant renfermé et taciturne, il avait choisi de s’éloigner de la tentation. Sauf qu’il s’était perdu en route.

Seul comme jamais, la maladie avait pris racine en lui et le dévorait peu à peu parce qu’il n’avait plus le courage ni la force nécessaire pour se battre. Finalement, le psy avait raison. La cause de ses problèmes était bien un problème d’amour… sauf qu’il se trompait de personne. Il aimait un autre jeune homme. Son Nico. Sa perte d’appétit n’était pas le fait de sa volonté mais celui de sa conscience qui s’opposait au choix drastique qu’il avait pris.


Et là, cette nuit, les paroles qu’il avait rêvé d’entendre, raisonnaient encore dans sa tête. Cette nouvelle et inattendue réalité le frappa de plein fouet. S’il n’avait pas été si chaleureusement retenu par une paire de bras musclés, il se serait écroulé lentement au sol. Erwan sentit que son compagnon resserrait son étreinte sur lui, comme s’il avait compris le cheminement emprunté par les pensées tortueuses de son ami.

Une simple étreinte qui signifiait tout simplement « je suis là maintenant, je te tiens, tu n’es plus seul à lutter ».


Trouvant enfin le courage de se redresser, il affronta son ami. Toutefois, dans leurs deux regards n’apparaissaient plus que le doute et la peur. L’appréhension d’être une nouvelle fois abandonné après avoir touché du doigt la sensation d’un bonheur possible. Ses yeux durent manifester plus de crainte qu’il n’en éprouvait puisque Nicolas lui offrit THE sourire. Celui qu’il ne pensait jamais lui être destiné et qui faisait vibrer les papillons dans son ventre. Dans un élan de ravissement, il leva une main pour lui toucher le visage puis arrêta net son geste, soudain inquiet d’avoir pris trop de liberté.


Alors qu’il entamait un mouvement de recul, Nicolas lui attrapa la tête à pleines mains, laissant les oreilles d’Erwan coincées entre ses pouces et ses index. Il sembla plonger ses prunelles d’obsidiennes au plus profond des yeux vert d’eau qui le dévisageaient anxieusement.


–– Tu as le droit de me toucher tu sais, confirma-t-il doucement.

Toujours suspendu au regard de l’autre, l’hésitant jeune homme tendit les bras vers la taille de son partenaire avant d’y poser, enfin, ses mains puis de serrer plus fortement son emprise sur ce corps ferme et chaud qui semblait lui appartenir à partir de maintenant.


Son cœur cherchait à s’échapper de sa poitrine. Ça faisait mal. C’était oppressant et en même temps si enivrant, dans l’attente de… d’un visage qui se penchait doucement vers lui, d’une bouche entrouverte dont la langue charmeuse vint caresser ses lèvres, puis d’un baiser gourmand qui aspirait son air aussi bien que son cœur et son âme.

Erwan gémit de pur bonheur. Il était chez lui, blotti dans les bras de Nico, la bouche de celui-ci jouant avec ses lèvres, et picorant son visage d’une multitude de petits baisers. Prenant de l’assurance, il sortit sa langue pour faire les présentations avec l’autre joueuse. Les deux garçons laissèrent la passion prendre le pas sur la douceur et les baisers se transformèrent en joutes fougueuses. La langue de Nicolas découvrit un nouveau territoire à conquérir, le vaincu se faisant un immense plaisir de se laisser envahir, acceptant sa défaite sans plainte.

Nicolas enleva ses mains du visage empourpré de désir et les glissa le long du corps mince de son compagnon, tout en reprenant ses baisers. Erwan sentit l’instant où elles arrêtèrent de le caresser pour ausculter ses maigres formes sous le tissu léger de son tee-shirt qui ne cachait rien de son apparente maigreur. Son soupir resta coincé dans sa bouche, car Nicolas le devança en l’embrassant plus férocement que précédemment pour le faire taire. Erwan refusa cette solution de facilité et s’arracha péniblement aux baisers de son compagnon.


–– Attends Nico, je veux…

–– Non moi d’abord ! lui asséna Nico. Je veux que tu saches que ce qui s’est passé avant, n’a plus d’importance à mes yeux. Tu as le plus magnifique regard que je connaisse et je ne veux plus le contempler rempli de désespoir. Je veux y admirer le reflet des sentiments que j’éprouve pour toi. J’ai l’espoir qu’il n’est pas trop tard et que je compte encore à tes yeux, finit-il par confesser.

–– Tu n’as jamais quitté mes pensées, quoique j’aie pu faire pour… essayer de les supprimer…, avoua lentement Erwan.


À cet aveu, les mains de Nicolas quittèrent la mince taille où elles stationnaient pour rejoindre ses poignets encore douloureux de la dernière tentative d’automutilation d’Erwan. Elles effleurèrent tendrement les croûtes en phase de cicatrisation avant de porter les poignets à sa bouche qui les embrassa une par une, les larmes au bord des yeux.


–– Plus jamais tu n’auras envie de partir ou de te faire du mal, promit le jeune homme affecté par ces blessures. On trouvera ensemble une solution à chaque problème que nous rencontrerons. D’accord ?


–– Si je suis avec toi, je n’ai besoin de rien d’autre, souffla Erwan qui sentait pour la première fois l’espoir gonfler sa poitrine.


Nicolas l’enferma une nouvelle fois dans la chaleur de son étreinte avant de lui murmurer tendrement.


–– Je t’aime. Je suis désolé d’avoir été si longtemps aveugle à ton enfer. Je vais me faire pardonner…


Les mots pénétrèrent doucement son esprit. Quel sentiment puissant il en retirait, comme si le corps d’Erwan recevait une dose massive d’anabolisants.


Sa nouvelle drogue : l’amour de Nicolas. Celui qui venait de le sauver des limbes de l’oubli.

[1] TCA : Trouble du Comportement Alimentaire.




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