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  • zelinelebeau

Les Enfants d'Apophis - 4

Dernière mise à jour : 14 avr. 2020




Pour lui faire lâcher prise, je l’avais carrément assommée d’un direct à la mâchoire. Aux grands maux, les grands remèdes. Elle était si obnubilée par son appétit vorace que rien n’avait pu la raisonner. Heureusement, elle était toujours attachée !


Deuxième nuit que nous passions ici, hum, c’était une de trop. Demain, il faudra bouger. Flora dormait, d’un sommeil agité. J’observais son ventre. Il avait encore grossi. Ma main s’avança, mue par une volonté propre. Elle effleura la peau apparente puis s’y posa, doucement. Cette fois, je ne me laissai pas surprendre. Pourtant, la peau se tendit vers moi, façon Alien à la rencontre de Zec. J’aurais juré y voir l’empreinte d’une main. Évidemment, un tel coup réveilla Maman.


« Tu m’as frappé ! » m’accusa-t-elle, aussitôt. « Tu m’as FRAPPÉE ! »


Ni bonjour, ni merci. Normal.


« Ouais, mais j’ai sauvé ton bras, non ? »


Son regard se porta sur ce dernier, légèrement suintant d’une cicatrisation débutante. Beurk !


« Ne recommence jamais...

— Sinon ?

— Tu ne préfères pas le savoir ! J’ai la rancune tenace.

— Et moi qui t’avais aussi ramené des douceurs, voilà comment je suis remercié ! »


J’allai lui chercher les paquets restés dans le couloir. Oh la vache, l’odeur qui s’en dégageait ! Du bout du bras, je lui tendis. L’ouvrant avec avidité, elle se goinfra avec une délectation à peine exagérée qui me tira un sourire – léger le sourire, hein – lorsqu’elle entama un bout de ce qui ressemblait à... ben je ne savais plus trop en fait.

Sans prévenir, une alarme résonna discrètement dans la pièce. Oh, chiottes ! Des emmerdes. Encore ! Un rapide coup d’œil à la fenêtre me dévoila une troupe d’apprentis mercenaires essayant de nous encercler. J’adressai un merci expéditif à mon éternelle paranoïa qui m’avait fait installer un système de détection, même sommaire.


« Faut qu’on se tire, et en vitesse ! Garde ton pique-nique en main. Je me charge du reste ! » lui criai-je tout en faisant un tour rapide des objets à prendre : clés de moto, armes et sac avec munitions, ZombieBox... Prêt à sortir, j’entendis un : « Tu n’as pas oublié quelque chose ? ». Elle me narguait ! Et m... ! Elle était encore attachée !


Je la traînai derrière moi jusqu’à l’issue de secours. Ma moto nous attendait sagement dans la petite remise... au fond de la cour... juste derrière nos agresseurs. Forcément ! Je regardai Flora.


« Tu me fais confiance ? ».


Elle me rendit un regard argenté franc.


« Oui... mais tu ne perds rien pour attendre ! »


Puis, elle se remit à mâchonner son bout de langue avariée comme si de rien n’était.


Mon plan était simple. Je faisais diversion pendant qu’elle courait à la remise et m’attendait près de la moto. Ensuite, je me débrouillerai pour la rejoindre. Toutefois, la simplicité avait décidé de se faire désirer. Un assaillant, plus intelligent que les autres, était stationné au milieu de la cour. Flora dut attendre que je lui règle son compte d’une fenêtre, façon sniper, pour courir vers la remise. Jouer à cache-cache en terrain connu donnait des avantages, que j’utilisai à bon escient. Moins de dix minutes plus tard, je m’élançais à travers la cour. Bam, bam, bam. J’en avais oublié un ! Tu parles d’un professionnel ! Sous la force de l’impact, je trébuchai. Touché, j’avais laissé un abruti de première me toucher ! Je me redressai, péniblement. J’avais oublié comme cela pouvait être douloureux. J’atteignis ma destination, sous un tir nourri. Flora m’attendait. Ayant prévu une situation identique, j’avais aménagé une deuxième sortie, par les étangs. Moto démarrée, ZombieBox installée. Ne restait plus que Flora. J’avais oublié – encore – un détail. Son ventre. Elle prit mon sac sur son dos, monta sur la selle et gigota dans tous les sens pour se caler.


« Bon sang, arrête ce cirque ! » lui gueulai-je dessus. « Tu poses ton cul, tu t’accroches et on décolle illico ! »


Pour toute réponse, elle colla son ventre contre mon dos, posa sa main droite sur ma veste et agrippa mon épaule gauche avec son autre main. Elle appuya fortement, là où cela faisait mal – la Salope ! – puis elle me déclara qu’elle était prête d’une voix suave. Le temps qu’ils remontent dans leur véhicule pour nous prendre en chasse, nous serions loin. Je nous conduisis à travers de petites routes communales jusqu’à l’ancienne maison forestière de Saint-Léger-en-Yvelines. Vingt minutes de route qui me semblèrent ne jamais devoir finir. Mon épaule me faisait un mal de chien avec les vibrations. J’avais senti dans mon dos des mouvements suspects sur lesquels je m’interdisais de penser pour l’instant.


Je m’étais fait repérer et suivre. Trahi par un des employés du laboratoire d’analyse ou bien par une taupe de mon réseau d’informateurs. Je devenais négligent et incompétent. Pas bon du tout, ça ! Voilà ou ça menait si on ne respectait pas la Règle 3. Fallait-il que je commence à envisager de prendre une “ retraite ” précoce, âgé d’à peine 30 ans ?


Je vérifiai la sécurité de l’endroit avant de nous installer à l’intérieur de la bâtisse principale. J’allumais un feu, fouillai dans le sac à dos pour en sortir une trousse de secours. Flora me l’attrapa de mains puis très sérieusement, elle me demanda, un sourire angélique sur les lèvres :


« Tu me fais confiance ?

— Pas vraiment. Pourquoi ?

— Je suis très bonne en couture... »


Parce qu’elle croyait que j’allais la laisser me charcuter ! Je m’en étais toujours sorti seul. Ce n’était pas maintenant que cela changerait. Ce en quoi je me trompais...


J’avais peu mangé depuis deux jours, je venais de perdre pas mal de sang plus le contrecoup de la conduite à moto. Cette fois, ce fut moi qui m’effondrais. Je repris conscience au moment où un liquide versé sur mon épaule me fit grimacer, me brûlant atrocement « Qu’est-ce que tu f... ? »


J’étais allongé sur le sol, proche de la chaleur des flammes. Flora, penchée sur moi, me regardait d’un air sadique, satisfaite d’elle-même, de me voir souffrir à mon tour. Elle mit son index sur ma bouche pour me faire taire puis commença à chauffer la pince dans les flammes avant de venir trifouiller dans mes chairs pour retirer la balle qui y séjournait malgré moi. Tout en travaillant, elle me questionna pour retenir mon attention sur autre chose que la douleur.


« Il vient d’où ton prénom ? »


Alors, elle m’avait quand même entendu lui répondre hier matin.


Je lui expliquai parce que... je n’avais rien d’urgent à faire. Bordel, elle enfonçait le doigt exprès ou quoi ?


« Ce sont les initiales de mes prénoms. Ma mère tenait à ce que je m’appelle Zacharias Elton Clint. Zacharias était le prénom de son père. Elton parce qu’elle et mon père sont sortis ensemble sur une des chansons d’Elton John, Sad songs. Et Clint, en hommage à son acteur fétiche Clint Eatswood. Je m’arrêtais pour reprendre mon souffle, après une intrusion plus pénible que les autres. À 46 ans, après un accouchement difficile, les médecins n’ont pas réussi à la sauver trop perturbés par l’arrivée parallèle d’Apophis... Mon père m’a toujours appelé Zec. Plus court.

— Et ton père ?

— Il est... mort il y a dix ans. »


Avec un affreux bruit de succion, Flora retira enfin la balle de mon épaule. Son attention se concentra sur cet objet sanguinolent. Subjugué en dépit de mon état de choc, je devinais son geste avant même que sa main ne se dirige vers sa bouche. Dans un geste trop maniéré pour être naturel, elle suça religieusement le projectile. Avec tendresse, en me regardant, comme si elle voulait que j’oublie ces tristes souvenirs.


Après cette intervention, il fallut cautériser. Flora s’en occupa sans rechigner. L’odeur de cochon grillé qui se dégagea les rendit légèrement fébriles, elle et son drôle de fœtus.


J’avais besoin de me reposer. J’aurais les idées plus claires après.


A mon réveil, je la trouvai assise en train de... ronger un os. Nom de d... Un regard rapide m’apprit qu’il n’était pas à moi ! M’ayant entendu bouger, Flora se tourna vers moi, pâlichonne, un ventre proéminent !

« Le dîner est servi. J’ai essayé de préparer un carpaccio de cervelle tout frais et un ragoût de Norm’ ».


Oh merde et moi j’avais dormi !


*


J’avais trop faim pour faire le difficile. Pendant que je dégustai son ragoût, Flora me raconta comment elle avait “attrapé” notre repas. Plan simple : femme enceinte plus faire du stop égal capture du dernier bon Samaritain qui restait en France. RIP à lui, pauvre bougre ! Je ne cherchais pas à connaître les ultimes détails. Inutile de sombrer dans le gore.


Le calme ambiant m’incita à lui parler de ses résultats sanguins.


« Flora, l’appelai-je doucement, j’ai quelque chose à te dire... à propos de...

— l’évolution du ZB chez moi, poursuivit-elle à ma place, son visage d’une pâleur extrême, une main sur son ventre distendu.

— Oui, acquiesçai-je simplement. La phase du ZB2 est déjà entamée. Je suis désolée, rajoutai-je, un peu surpris moi-même par ces trois mots qui m’échappèrent. Le tact et la diplomatie n’était pas mon style habituel de comportement !

–– Je m’en doutais. J’ai l’impression que ma grossesse a accélérée le processus. »


Je voyais sa main qui tressautait selon les mouvements de “ BB Alien ”. C’était trop zarbi comme situation. Elle avait l’air épuisée. Je l’encourageai à s’allonger dans un coin. Elle m’obéit sans broncher, étonnamment !


Je sortis pour appliquer la Règle 1. Et butai aussitôt sur un tas d’os sanguinolents. Mon estomac fit un tour de montagnes russes avant de se stabiliser dans une position précaire. Un reste d’éducation – ou bien ma conscience – m’obligea à les enterrer. Pas de prières. Personne ne les écouterait.


Après ma ronde, je réintégrai la maison. Pressé de rejoindre ma… Avais-je failli dire ma compagne ? Décidément, je ne reconnaissais plus le Zec ordinaire, froid et distant ! Un pressentiment me fis foncer au fond de la pièce, vers l’endroit où dormait la jeune femme. Celle-ci geignait doucement. Son abdomen proéminent ressemblait à une mer déchaînée façon tempête tropicale force 5. Mes yeux suivaient la progression des creux et des bosses. Aucun répit. Persuadé qu’Alien allait sortir de lui-même de son cocon, j’eus une pensée affreusement déplacée. Si c’était un Alien version féminine, il faudrait l’appeler Sigourney ! Un cri de Flora me ramena sur terre. Nos regards s’accrochèrent.


« Ai... Aide moi... à le... sauver... s’il te plaît », me supplia-t-elle, crispée par les douleurs de contractions de plus en plus rapprochées.


Mais qu’est-ce que je foutais dans cette galère ! Il n’y avait pas écrit “ sage-femme spécialisée en Bébé croisé Zombie-Alien ” sur mon front ! Une grossesse d’à peine quatre jours, c’était… Impossible ? Alors, pourquoi j’allais ranimer le feu, me laver les mains avec l’eau qui restait dans ma gourde ? L’instinct surement. La fatalité plutôt. L’appel au secours de la jeune femme m’avait secoué. Je ne pensais pas qu’elle allait survivrait. Elle non plus d’ailleurs. La curiosité et l’appréhension se disputaient mon attention. J’allais être le premier à “ admirer ” l’enfant de deux ZB. Pourquoi je m’imaginais un bébé semblable à celui du film gore Brain Dead, croisement entre un bébé humain et bouledogue enragé aux dents longues et acérées ! Si cela s’avérait prémonitoire, je devrais prendre mes responsabilités. En serais-je capable ? Entre l’enfant et le monstre, saurai-je voir la différence ? Et pourquoi je me posais ces questions ? Ces quatre jours avaient apporté des changements sur bien plus de personne que prévu...


Un autre cri. Plus puissant. L’heure n’était plus à la réflexion philosophique. Un ruisseau de sang s’échappait d’entre ses jambes. Son ventre donnait l’impression d’exploser à chaque contraction. Je m’installai au mieux pour l’aider. Flora hurlait comme si on lui arrachait les tripes et puis soudain... Le silence ! L’œil du Cyclone, oui ! La peau se remit en mouvement, descendant, cette fois. Je tendis les mains vers son entrejambe, juste à temps pour récupérer une tête brune. Je tirais doucement, les épaules sortirent accompagnées par un bruit écœurant. Une inondation de sang noir charbon suivit. Deux secondes plus tard, je tenais un nouveau-né à bout de bras. Bien emmerdé que j’étais !



Les Divagations de Zéline sont mises à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 France.

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